Les recruteurs sont une espèce en voie d’extinction. C’est le message qui semble m’être adressé au quotidien. Ici, je lis que si aujourd’hui 95% des grandes entreprises sont déjà équipées de machines filtrant les candidatures, demain, nous « serons » recrutés par des robots.
Là, je visualise Matilda, petit robot capable de faire passer un entretien d’embauche et de prendre en compte le profil psychologique du candidat. Ailleurs, je découvre une application smartphone qui m’évitera de fouiller des CVthèques et de perdre mon temps sur LinkedIn, ou encore la promesse d’analyse intelligente de bases de données créant un matching offre/demande d’emploi absolument parfait. Halte-là !
Je suis convaincu, pourtant, que l’expertise humaine dans le recrutement est plus que jamais nécessaire. D’abord parce que les besoins en compétences évoluent si rapidement que l’entreprise montre bien souvent du retard à les intégrer. J’observais récemment une liste des métiers qui n’existaient pas il y a quinze ans : sexy data scientists, bien sûr, mais aussi analystes en sécurité informatique ou architectes réseau… La liste est éloquente.
Ensuite parce que les employeurs s’attèlent à de toutes nouvelles priorités, face auxquelles il y a de quoi se montrer désarmé : un Français sur trois aura plus de 65 ans en 2030, la souvent caricaturée mais réellement particulière Génération Y arrive en position d’assumer le leadership, et la génération Z serait composée de “mutants” que l’on annonce plus en rupture encore que leurs aînés avec les modèles traditionnels. Résultat : un profond renouvellement d’effectifs à opérer - et une difficile transmission des savoirs à mettre en musique.
Ajoutons à cela que certains voient la « guerre des talents » se muer en « combat de chiens », imageant à quel point la montée en gamme des qualifications rend féroce la quête des meilleurs profils. Cette polarisation du marché du travail vers les très hauts salaires s’accompagne d’une tension accrue autour des recrutements stratégiques, dans un contexte où la capacité à innover devient un avantage déterminant et où les coûts associés à un recrutement raté s’affichent exorbitants – estimés autour de 50 000 euros.
Ajoutons enfin que les entreprises françaises recherchent toujours plus de profils à l’aise dans des environnements multiculturels et en phase avec une économie où les émergents arrivent sur le marché européen. Il sera alors devenu tout-à-fait clair que les attentes des employeurs sont de nouvelles attentes… qui amènent de nouveaux besoins : de l’accompagnement, de l’expertise et une spécialisation accrue des consultants en recrutement.
Et des services innovants ? Oui, des services innovants, pas des robots. La promesse d’un web, plateforme omnisciente, d’outils présentés comme l’alpha et l’oméga du recrutement, est trop belle. Tous recruteurs ? Ne rêvons pas. L’information est désormais partout : encore faut-il la trouver. L’information s’accumule : encore faut-il la rendre pertinente. L’information s’enrichit : encore faut-il être en capacité de la traiter.
L’algorithme a beau pouvoir être « plus fort » que l’instinct, c’est l’homme qui est intelligent, et non la machine. Alors que les cadres n’ont pas arrêté de bouger depuis plusieurs années, entre transition parfois difficile à gérer et satisfaction finale avérée, il y a, comme on l’entend ça et là, “de nouvelles façons d’être cadre, de nouvelles façons de les manager” et, évidemment, de nouvelles façons de les recruter.
Les promesses du recrutement prédictif, du Big Data, et même de nouvelles façons de lier contact et de cibler ses recherches, notamment via LinkedIn, ne sont pas de faux-semblants… si on leur accorde leur juste place. Préparons l’avenir et accompagnons ce gigantesque mouvement, en nous souvenant qu’en 2011, 4% des candidats avaient trouvé un emploi grâce aux réseaux sociaux, qu’aujourd’hui de 2 à 5% des entreprises disent recruter directement sur ces canaux, et que 50% des recrutements cadres sont finalisés via offre d’emploi.
Et si 60% des entreprises du Fortune 1000 avaient dès 2013 investi dans des solutions de RH analytiques, savoir dompter l’algorithme, donner du contexte mais aussi accompagner un projet et connaître un client restent l’apanage d’un « big » recruteur en chair et en os.
Car ce qui est vrai, c’est que le profilage des candidats expose le recrutement bien au-delà du traditionnel et si limité CV : il ouvre la voie à la prise en compte de nouveaux critères, décisifs, de savoir-être et d’adéquation à la culture d’entreprise notamment. Je ne saurais trop m’en réjouir : c’est un signal que je vois de plus en plus fort, certaines entreprises disent vouloir ne plus être le terrain d’atterrissage de candidats suivant la voie royale des diplômes, des références, et même des recommandations par les pairs affichées ostensiblement sur LinkedIn…
L’échec, et la capacité à s’en relever, ces attributs d’entrepreneur, sont en passe de devenir une compétence-clé pour les hauts potentiels en entreprise. Savoir être un leader, certes, mais un leader humble ; avoir appris, mais savoir réapprendre ; savoir résoudre des problèmes, et les résoudre collectivement ; mieux se connaître, pour connaître avec quelle entreprise on saura travailler.
Les critères du succès ne se tiennent pas dans un bulletin de note, si parfait soit-il, ni même dans un portfolio de compétences, ce qui est encore plus nouveau. Mais comment évaluer des compétences si peu tangibles ? Comment aiguiser son regard sur les candidats et sur sa propre entreprise ? Et comment, oui, profiter de nouvelles technologies, mais en les adaptant à chaque problématique de recrutement ? Comment, par-delà les modes, sortir des sentiers rebattus et bâtir durablement des process qui s’avèrent efficaces ?
Sur le recrutement, commençons par changer de regard.
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